L’histoire des champs pulsés à Toulouse

Durant la première décennie à partir de 1965, S. Askénazy réalise des bobines produisant un champ magnétique pulsé de longue durée et de valeur crête 40T. Il pilote également la construction du générateur de courant pulsé de la bobine avec le groupe de G. Giralt au L.A.A.S. Il installe par ailleurs un service de cryogénie à l’Université Paul Sabatier. Durant cette période, l’équipe fondatrice des champs magnétiques intenses (S. Askénazy, J. Léotin, J-C. Portal et J-P. Ulmet) développe au LPS l’instrumentation, l’électronique et la cryogénie pour les premières mesures de magnéto-transport quantique et de résonance cyclotron dans des semiconducteurs, et, dès l’origine, fonctionne en collaboration étroite avec les équipes du Pr. J. Bok à l’ENSup, du Pr. R.A. Stradling au Clarendon Laboratory (Oxford), du Pr. P.R. Wallace à l’Université de McGill (Montréal). Le champ pulsé de Toulouse a la particularité de présenter une longue durée et des vibrations négligeables permettant des mesures de grande précision. Dans ce but, S. Askénazy a fait le choix original de bobines compactes en fil de cuivre renforcées par une frette métallique externe. La première génération de bobines est alimentée par un banc de condensateurs de 100 kJ, 3kV, dont la décharge est réalisée à l’aide d’un interrupteur à ignitrons inséré dans un circuit crow bar à diodes de puissance.

Les pioniers

En 1975, le CNRS crée le Service National des Champs Magnétiques Pulsés (SNCMP) sur le site de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA). Sous la direction de S. Askénazy, une équipe de techniciens et de chercheurs planifie la construction d’un nouveau bâtiment, et d’un nouveau générateur ainsi qu’une nouvelle génération de bobines et de cryostats. Le générateur est basé sur un banc de condensateurs de 1,25 MJ, 10kV et sur un interrupteur à piston immergé dans le mercure conçu et réalisé pour ce nouveau banc. En 1980, un nouvel interrupteur à thyristors commandés par fibre optique est conçu et mis en service au laboratoire. Cet interrupteur ouvre la voie technologique des futurs générateurs dans le monde, en particulier celui du générateur actuel de 14 MJ et 24 kV. L’étape suivante est marquée en 1987 par le développement de bobines en fils de cuivre renforcés au NbTi produisant un champ de 61 T pendant 0,1s. L’équipe des chercheurs associés au SNCMP s’étoffe et développe de nouveaux axes de recherche sur le magnétisme, la supraconductivité et les conducteurs organiques. Elle met alors en place la cryogénie à dilution en champ pulsé. Elle amplifie l’accueil des visiteurs, et de très nombreuses collaborations sont établies, tant sur le plan national qu’international, permettant aux chercheurs une intense production de publications.

En 1990, S. Askénazy propose l’extension du SNCMP sous la tutelle du CNRS, de l’UPS et de l’INSA et projette également la construction du bâtiment actuel du LNCMI. Le but visé est d’initier un service européen de champ magnétique pulsé basé sur un générateur 14 MJ, 24 kV et des bobines produisant un champ pulsé de durée 1 seconde et de valeur crête 60T. Dans cette optique, le SNCMP construit des équipements de champ pulsé de 30 T et de durée 1 seconde, à Porto, Saragosse et à Mérida (Vénézuéla). Alors s’engage une opération lourde au financement réduit avec la construction du bâtiment, la réalisation intra-muros du générateur 14 MJ ainsi que la mise en place d’un atelier de R&D sur la production de fils de cuivre composites à haute tenue mécanique et faible résistivité. Durant cette décennie, le SNCMP prend une part active dans les travaux du consortium européen « Design studies for 100 T magnet ». Dans ce groupe, il promeut le concept de bobines gigognes « coilin-coilex » alimentées par des générateurs distincts synchronisés (voir aussi cet article). Ce concept est partout mis en œuvre aujourd’hui pour la production non destructive de champ magnétique atteignant 100T.

En l’an 2000, le Laboratoire National de Champs magnétiques Pulsés (LNCMP) est créé et devient une Unité Mixte de Recherche du CNRS associée à l’INSA et l’UPS avec l’aide de Dominique Givord. Sous la direction de G. Rikken, le LNCMP prend son essor et fusionne en 2009 avec le Laboratoire de Champs Magnétiques Intenses de Grenoble (LCMI) pour former le LNCMI, unité Propre de Recherche du CNRS (UPR 3228) conventionnée avec l’Université Joseph Fourier de Grenoble, l’ Institut National des Sciences Appliquées et l’Université Paul Sabatier de Toulouse.

Jean Galibert, Jean Léotin , R. J. Nicholas

Voir aussi dans «Histoire du Laboratoire»

L’histoire des champs intenses à Grenoble